L'épître aux Romains
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Après avoir patienté avec Paul 8 chapitres dans le livre des Actes pour enfin voir Rome, il aurait été dommage de passer un peu trop vite à autre chose ! Nous voici donc partis pour la lecture d’un des monuments de la Bible : l’épître aux Romains !
Cette lettre a été écrite pendant le 3ème voyage missionnaire de Paul, lors de son séjour à Corinthe (a priori lors de l’hiver 56-57). L’Évangile est donc parvenu à Rome avant que Paul ne s’y rende. On s'en était bien rendu compte en Actes 28, puisque des chrétiens de Rome sont venus à sa rencontre.
S’il était si important pour Luc de montrer comment Paul s’était rendu à Rome, ça n’était pas pour l’implantation d’une nouvelle Église, mais pour affermir la foi de d'une Église existante (12).
Paul écrit, qu’il avait le vif désir de se rendre à Rome. Nous l'avions aussi repéré dans le livre des Actes. Mais il précise ici, qu’il en a longtemps été empêché (13). Cet empêchement était certainement dû au fait qu’il n’en avait pas fini avec l’implantation et l’affermissement des Églises en Asie mineure, en Macédoine et en Achaïe (Actes 16-20). C’est donc non sans une certaine émotion que nous lisons ce passage, écrit 4 ans avant son arrivée à Rome. Pensons notamment aux versets 16 et 17, où Paul dit ne pas avoir honte de l’Évangile. Ces paroles prendront tout leur sens quelques années plus tard quand il arrivera enfin à Rome après bien des péripéties, comme un prisonnier enchaîné à cause de l’Évangile.
Cette lettre est généralement présentée comme l’écrit du Nouveau Testament le plus complet, en ce qui concerne la doctrine chrétienne ! Et c’est vrai, que l’exposé est magistral. Mais il est utile de rappeler dans cette rapide introduction que Paul n'a pas écrit cette épître, dans l'objectif de donner un cours de doctrine. On peut ainsi repérer 2 buts dans ces premiers versets.
Son premier but est missionnaire. Il veut récolter des fruits parmi cette assemblée (13). Certainement, il espère que de nouvelles personnes se convertissent. Mais Paul cherche aussi des partenaires pour son projet « Espagne » (Romains 15.24). Il veut faire de Rome un tremplin pour atteindre l’Ouest. S’il annonce l’Évangile aux chrétiens de Rome (15), ce n’est donc pas pour donner un catéchisme, mais c’est pour s’assurer que l’Eglise de Rome adhère bien à « son » Évangile (Romains 2.16, 16.25).
Son deuxième but est pastoral. Comme dans la plupart des Églises le plan de réconciliation entre juifs et non-juifs voulu par Dieu est difficile à vivre dans la pratique. Dans l’Église de Rome, les tensions entre païens et juifs sont palpables. Paul va s’efforcer de montrer comment le plan de salut voulu par Dieu ne fait aucun favoritisme entre ces 2 communautés (Romains 2.11). Pour les juifs et les païens, le même principe s’applique : le juste vivra par la foi (17)
C’est ainsi qu’on peut proposer le plan suivant pour cette épître. Un plan qui met en avant le fondement de l’Évangile, comme vision missionnaire, et qui souligne aussi le désir de régler les tensions entre les communautés juives et non-juives :
1.18 à 3.20 : Juifs et non-Juifs, tous deux coupables devant Dieu
3.21 à 4.25 : Juifs et non Juifs, sauvés par le même moyen : la foi
5.1 à 8.38 : Juifs et non juifs appelés à une vie nouvelle en Jésus-Christ (les fruits de ce salut)
9.1 à 11.39 : Juifs et non Juifs étroitement liés dans le plan de Dieu (le cours de l’histoire)
12.1 à 15.13 : Juifs et non-Juifs s’aimant dans un même corps (l’Église)
Un plan qui j’espère vous sera utile, tout au long de notre lecture, pour ne pas perdre de vue l’intention générale de Paul, lorsqu'on s'arrêtera plus sur certains détails.
Dans cette première partie de l’épître, Paul veut montrer que l’ensemble de l’humanité est jugée coupable devant Dieu et il commence par l’humanité en général.
La question qui se cache derrière ce paragraphe, c’est de savoir s’il est juste que Dieu soit en colère contre ceux qui n’avaient pas reçu une révélation particulière, au même titre qu’Israël (sous-entendu donc les non-juifs). On pourrait actualiser le propos, en se demandant si les hommes qui n’ont jamais entendu parler de Jésus-Christ peuvent vraiment être considérés comme coupables devant Dieu !
C'est une question utile pour une Eglise composée de juifs et de non-juifs : sommes-nous tous autant coupables devant Dieu ? Mais c'est aussi une question pertinente pour définir une vision missionnaire : faut-il vraiment annoncer l’Evangile à ceux qui ont d’autres croyances ! (cf. méditation d’hier sur les 2 buts de Paul dans l’épître aux Romains).
La réponse de Paul est sans appel.
La création est suffisante pour connaître les perfections invisibles de Dieu (18). Plutôt que de chercher ce Dieu qui dépassait leur compréhension, les hommes ont préféré se tourner vers des croyances folles, domesticables. Ce sont les idoles du verset 22, idoles qui n’existent peut-être plus sous la forme d’images d’homme ou d’animaux, mais qui continuent de tordre la vérité aujourd’hui encore. Les hommes confient leur salut dans la science, la philosophie ou le matérialisme, qui ne peuvent pas leur offrir la sécurité qu’ils leur promettent. La situation dans laquelle nous sommes actuellement le rappelle douloureusement.
Pour Paul, la colère de Dieu repose donc même sur ceux qui n’ont pas reçu une révélation particulière de Dieu (la Loi juive dans le contexte). Ce qui est intéressant de constater c’est la manière dont cette colère se révèle. Nous sommes généralement troublés quand nous voyons s’exprimer la colère de Dieu de manière directe. C’est le cas par exemple lors de l’épisode d’Ananias et Saphira dans le livre des Actes (Actes 5). Nous trouvons Dieu un peu trop expéditif dans ses jugements.
Mais ici, Dieu châtie les hommes en les abandonnant aux passions de leur cœur (v. 24-28). Cela signifie qu’au lieu de les punir pour corriger leur méchanceté, Dieu « les a livrés à des passions avilissantes » (v. 26) et « à des pensées fausses » (v. 28). La déchéance du tableau est terrible.
Ce passage nous pose la question. Qu’y a-t-il de plus terrible : le jugement de Dieu qui nous arrête dans nos folles entreprises, ou la débauche qui résulte du laisser-faire ? On comprend mieux pourquoi la Bible présente si souvent le châtiment comme une démonstration d’amour de notre Père (Hébreux 12.6). Il y a bien sûr là un modèle pour notre propre éducation où l’absence de correction peut avoir des conséquences terribles pour nos enfants. Mais on peut aussi penser à l'âge où nous sommes obligés de laisser nos enfants aller au bout de leurs « bêtises », en priant que l’Esprit de Dieu les ramène dans de justes voies.
Notons enfin que l’homosexualité est pointée ici comme une des conséquences de cette situation, où Dieu nous livre à nos passions et à nos idées dévoyées. D’après ce passage, nous comprenons, que l'homosexuel est un rejet de l’ordre créationnel de Dieu. Mais elle semble aussi en lien direct avec l’idolâtrie. Pourquoi cela ?
On pourrait définir l’idolâtrie comme l’adoration de ce qui nous est semblable (la création) aux dépens du Tout-autre (le créateur). Nous ne sommes pas appelés à adorer notre conjoint, mais il y a dans l’amour homme/femme, une dimension de l’amour de Dieu pour nous, que l’on ne retrouve pas dans « l’amour homosexuel ». Dans l’amour selon Dieu, il y a cet élan d’aller à la rencontre de ce qui ne nous ressemble pas, pour vivre un amour qui se donne. Cet amour nous révèle au passage qui nous sommes vraiment ! Voilà pourquoi seul l’amour d’un homme et d’une femme, différents par nature, peut être image de l’amour de Dieu pour nous !
Que le Seigneur ne nous enlève pas sa correction quand nous nous éloignons de ses voies. Même si c’est douloureux, c’est préférable pour nous. Qu’il nous fasse grandir dans un amour qui nous aide à dépasser nos peurs, et nos doutes pour rencontrer ce que nous ne connaissons pas !
Après avoir montré que l’homme en général, et donc les païens en particulier, en savait suffisamment sur Dieu pour ne pas être épargnés par sa colère, Paul développe un autre aspect à partir du chapitre 2. Il veut montrer que connaître la volonté de Dieu n’est pas suffisant non plus pour échapper à cette colère. Il a en tête cette fois-ci plutôt les juifs non-convertis, les propres justes qui croyaient ne pas être concernés par le jugement de Dieu.
Paul va pendre ici un à un, les différents arguments avancés par les juifs non-convertis pour les réfuter.
1) Ce n’est pas en se comparant aux autres que les juifs échapperont à la colère de Dieu. Ils devraient plutôt regarder à sa bonté pour se repentir (1-5).
2) Ce n’est pas non plus en comptant sur l’élection, le fait que Dieu ait choisi leur nation. Dieu ne fait pas de favoritisme. Au contraire l’exigence est plus grande pour celui qui a plus reçu (6-11).
3) De même donc, la connaissance de la Loi ne protège pas de la colère de Dieu. Dieu juge sur le critère de la mise en pratique et non sur la connaissance. La désobéissance des Juifs est évidente, puisque le nom de Dieu est blasphémé parmi les païens (12-24).
4) Enfin ce n’est pas non plus un rite religieux ici la circoncision, qui rend Dieu favorable. La circoncision n’est pas utile, si elle ne s’accompagne pas d’une obéissance à la Loi (25-29).
Paul expliquera au début du chapitre 3, que les juifs ont bien été au bénéfice d’un immense privilège. Ils ont reçu la Loi, qui révèle la volonté de Dieu. Mais ce privilège ne constitue pas une assurance contre la colère de Dieu. Au contraire, leur incapacité à obéir à cette révélation particulière aurait dû les amener à une plus grande crainte de Dieu. Au lieu de devenir propre juste à leurs yeux, leur cœur aurait dû trouver en l’Evangile, la Bonne Nouvelle qu’ils attendaient !
Bien sûr, nous qui avons donné notre vie à Jésus, nous savons que seul son sacrifice est pleinement efficace, pour échapper à la colère et au jugement de Dieu. Malheureusement, force est de reconnaître que bien des fois, dans notre quotidien, nous nous éloignons aussi de ce que nous savons être la vérité. Il nous arrive de nous considérer comme un chrétien pas si mauvais que ça en nous comparant aux autres (ou bien le contraire). Certes, notre Bible est sur notre table de chevet, nous la reconnaissons comme étant Parole de Dieu, mais nous négligeons souvent de la méditer ; nos actes et nos attitudes sont alors bien plus souvent guidés par nos pensées que par celles de l’Esprit de Dieu. Nous nous appuyons parfois sur des pratiques religieuses (le baptême, la fréquentation de l’Eglise le dimanche) pour nous rassurer !
Il ne s’agit pas de nous apitoyer ou d’être dans le défaitisme permanent, mais de cultiver une juste vigilance sur nous-mêmes ! Ce dont nous avons le plus besoin après 1 mois de vie chrétienne comme après 60 ans, c’est une espérance renouvelée en la croix. Elle est la Bonne Nouvelle qui aujourd’hui encore m’assure que le Dieu parfait a couvert mes insuffisances. La colère de Dieu est retombée sur son Fils, son jugement m’est devenu favorable.
Quand on cherche à défendre le christianisme, on se heurte souvent à un argument difficile. Est-ce qu’il est juste que tous les hommes n’aient pas accès de la même manière à la connaissance de Jésus-Christ ? Il est en effet plus facile de rencontrer un chrétien qui pourra exposer la voie du salut aux Etats-Unis ou au Brésil, qu’en Corée du Nord ou en Arabie Saoudite. Cette question n’est pas nouvelle ! Elle est en filigrane du texte de Romains 3, quand Paul pose la question : « Dieu est-il seulement le Dieu des juifs ? N’est-il pas aussi celui des païens (29) ?»
En fait, la Bible parle, tout au long de l’histoire de la révélation, d’une différence entre les peuples dans la connaissance particulière de Dieu. C’est la ligne de démarcation entre juifs et non-juifs dans l’ancienne alliance. Elle perdure d’une certaine manière dans la Nouvelle Alliance, avec des peuples non encore atteints par l'Evangile. Et c’est la mission de l’Eglise dans son ensemble que de faire connaître la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à ces peuples non encore atteints. C’est d'ailleurs un des buts poursuivis par Paul en écrivant à l’Eglise de Rome.
Mais ce texte (et plus généralement Romains 1-3) rétablit la base égalitaire nécessaire pour voir en l’Evangile un message universel. Il y a un domaine où nous sommes tous égaux. C’est dans le domaine du péché : « il n’y a point de juste, pas même un seul, nul n’est intelligent, nul ne cherche Dieu » (10-11). Que je sois né aux Etats-Unis, au Brésil ou en Corée du Nord, que je sois né dans une famille chrétienne ou dans une tribu d’Amazonie, la question du péché me touche personnellement. Quel que soit mon contexte, j’ai la possibilité de reconnaître que quelque chose ne tourne pas rond ni en moi, ni dans ce monde ! Paul résume la situation : « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu » (23).
Cette affirmation est centrale ! Si elle n’est pas le point de départ de notre vision du monde, nous risquons bien souvent de passer à côté de la manière dont Dieu agit dans nos vies et dans l'histoire. Pour bien le saisir, il nous faut comprendre ce que la Bible renferme sous la notion de péché. J’aime bien le décrire sur 3 plans :
- Nos actes : le bien et le mal selon Dieu (les 10 commandements, la Loi de Dieu, etc.). Cependant la Bible ne définit pas le péché au niveau des actes uniquement par le mal que je fais, mais aussi par le bien que je ne fais pas (Jacques 4.17).
- Nos pensées : Jésus lui-même redéfinit la notion de péché en disant que l’adultère, par exemple, commence au niveau de nos pensées (Matthieu 5.28).
- Nos motivations : dans quel but est-ce que je fais ce que je fais ? Je peux en effet être généreux avec quelqu’un mais pour ma propre gloire. Tout ce que je ne fais pas en réponse à l’amour de Dieu dans ma vie, tout ce que je ne fais pas pour sa gloire, je le fais en définitive pour moi (Esaïe 64.5).
La situation est désespérée. Le virus qui coule dans nos veines est bien plus à craindre que n’importe quelle maladie. Il n’y a aucun moyen humain efficace pour s’opposer à lui (pas même le confinement !). Heureusement le vaccin existe déjà ! Dieu est intervenu. Nous sommes déclarés innocents de tout péché par le salut en Jésus-Christ (24).
Nous nous posons souvent la question : que fera Dieu avec ceux qui n’ont pas entendu parler de Jésus-Christ ? Il me semble que Dieu ne veut pas répondre dogmatiquement à cette question. Nous aurons l’occasion d’y revenir un peu plus tard dans l’épître. Mais pour l’heure c’est une autre question qui nous est posée. Qu’est-ce que je vais faire de ce que Dieu dit de mon propre péché ? Et pour celui qui est tellement « tourmenté » par la question des autres, il n'est pas fou de considérer que « se faire vacciner contre le péché » en acceptant Jésus dans sa vie, c’est aussi une manière d’aimer les autres !
En lisant, notre Bible, on a parfois le sentiment d’un Dieu différent entre l’Ancien et le Nouveau Testament ! On a l’impression que Dieu est sévère dans l’ancienne alliance et qu’il devient amour en Jésus-Christ. On a aussi l’impression que le salut s’obtient par l’obéissance à la Loi avant la croix, et par la foi en Jésus-Christ après la croix.
Le chapitre 4 de l’épître aux Romains nous permet de tracer une ligne continue, dans la manière dont Dieu agit pour notre salut tout au long de la révélation. Avec l'exemple Abraham, Paul veut montrer que si "son Evangile" (Romains 2.16) apporte une révélation nouvelle sur le salut, il n’est pas en soi une innovation. Dieu agit de manière cohérente tout au long de l’histoire.
La foi d’Abraham est admirable. Abraham a quitté sa terre, sa famille, sa religion polythéiste, sa culture avancée pour écouter ce "nouveau" Dieu qui lui demande d’aller s’installer sur une terre reculée à l’autre bout du monde. « Alors que tout portait au contraire, il a eu confiance, plein d’espérance ! » (18). Mais ce qui compte pour Paul c’est ce que Dieu en dit. « Abraham a eu confiance en Dieu, et Dieu a porté sa foi à son crédit pour le déclarer juste » (3). Paul cite là Genèse 15.6, à un moment où Abraham et les siens ne sont pas encore circoncis. Dieu ne donnera la circoncision qu'au chapitre 17, plus de 13 ans plus tard. C’est parce qu’Abraham a eu confiance en Dieu, que Dieu lui a donné le signe de la circoncision et non le contraire.
Il est intéressant de comparer les textes de Genèse 15 et Genèse 17. Dans le texte de Genèse 15, Abraham est déclaré juste, et Dieu renouvelle sa promesse de lui donner un pays et une descendance. Dans cette alliance, Abraham n’a rien à faire seul Dieu s’engage (alliance inconditionnelle). Par contre au chapitre 17, au moment où Dieu donne la circoncision à Abraham, les deux parties sont impliquées. Dieu s’engage à protéger Abraham. Abraham et ses descendants doivent s’engager à se comporter de manière intègre (Genèse 17.2). La Loi n’est pas encore révélée, mais nous avons là les prémices d’une alliance conditionnelle (Je fais quelque chose pour toi, mais tu dois faire quelque chose en retour).
Ce mode d’action se répète tout au long de la Bible. Par exemple au moment de la sortie d’Egypte, Dieu secourt son peuple sans que celui-ci n’ait rien eu à faire, si ce n’est de croire en Lui. La dernière plaie rappelle en quelque sorte la foi d’Abraham. Le peuple a cru Dieu, qui leur demandait de mettre du sang sur les linteaux de leur porte et Dieu a alors protégé leur premier-né. Puis au moment où le peuple est sorti d’Egypte, Dieu l’a conduit au désert, pour conclure une alliance avec lui. C’est l’alliance de la Loi de Moïse. Une alliance qui engage le peuple à suivre Dieu, en respectant la Loi révélée. Là encore une alliance conditionnelle (le don de la Loi) a fait suite à un geste inconditionnel de Dieu (la délivrance de l'esclavage en Egypte).
En Romains 4, Paul n’oppose pas non plus foi et obéissance. Il veut les remettre dans le bon ordre. Un schéma peut nous aider à comprendre cette manière d’agir de Dieu tout au long de la Bible :
Je crois (foi) >> Je suis justifié (salut) >> J’obéis (obéissance) = L’Evangile
Naturellement, on aurait tendance à mettre l’obéissance avant la promesse de salut (Je crois >> j’obéis >> je suis sauvé). Mais une fois encore, nous ne nous pouvons pas mériter quelque chose de Dieu. Nous ne pouvons que répondre de manière cohérente à Celui qui nous a aimés le premier.
Dieu est le même hier, aujourd’hui et demain. Il nous appelle à le voir au-delà des apparences. Il nous appelle à croire en ses promesses. Il nous appelle à répondre par une vie consacrée. Dans la pratique, la motivation de nos cœurs n’est pas toujours facile à distinguer. Pourtant l’ordre de tout cela est essentiel, si nous voulons continuer d'agir pour la gloire de Dieu et non recommencer à le faire pour notre propre gloire (cf. méditation sur Romains 3)
Le chapitre 5 est très dense et nous pourrions quasiment méditer la portée de chaque verset. Avant de nous arrêter sur une de ses pépites, prenons un peu de recul et regardons quel est le but poursuivi par Paul dans cette partie de l’épître.
Des chapitres 1 à 3, Paul a montré que tout homme, qu’il soit juif ou non-juif, est déclaré coupable devant Dieu. A la fin du chapitre 3 et au chapitre 4, il a mis en lumière la manière dont ce verdict peut être inversé : par la foi en Jésus-Christ. Le salut (la justification) par la foi n’est pas une innovation de la croix, mais c’est le principe qui traverse toute l’Ecriture. Voilà la maladie et voilà le remède pourrait-on dire !
Au début du chapitre 5, Paul veut maintenant prouver, en quelque sorte, que la foi en Jésus-Christ est la seule solution réellement efficace. Et il commence par énumérer les promesses rattachées au salut par grâce (1-11) :
· nous avons la paix avec Dieu (1),
· nous avons l’assurance de son amour au-delà des circonstances (5),
· nous avons l’assurance que le salut ne peut plus nous être enlevé (10).
Toutes ces promesses, un salut qui compte sur nos oeuvres ne peut le produire. Il y aura toujours un doute : Est-ce que j’en fais assez ? Est-ce que Dieu m’aime vraiment ? Est-ce qu’Il ne va pas finir par me tourner le dos ? La puissance de l’Evangile tient dans le fait qu’il nous donne l’assurance que Dieu nous aime tels que nous sommes. C’est cet amour inconditionnel qui va être la source de transformation dont nous avons besoin.
Mais devant de telles promesses, Paul est conscient qu’une question se pose ! Est-ce que ce qu’il annonce marche vraiment ? Est-ce que réellement un homme peut mourir à la place de tous et renverser le mécanisme du péché ? Est-ce que la substitution, le fait que quelqu'un puisse prendre notre place, est un principe éprouvé ? C’est ce que développe Paul dans les versets 12 à 21.
Paul compare la manière dont le péché est entré dans le monde, et la manière dont l’Evangile de Jésus-Christ règle la question du péché. Le raisonnement peut paraître compliqué, parce qu’il souligne à la fois les similitudes et les contrastes. Mais ce que Paul veut souligner ici, c’est que dans les 2 cas, c’est le résultat de l’acte d’un seul homme (18). Nous sommes chacun coupables pour nos péchés, mais la situation de l’humanité a belle et bien basculé à cause de la faute d’un seul homme, Adam. C'est par la faute d’un seul homme que nous naissons pécheurs dans un monde pécheur. Pas étonnant alors, que le même mécanisme soit à l’œuvre pour nous guérir. Par le sacrifice d’un seul homme, la malédiction du péché est ôtée.
En fait, l’idée qu’un seul paye pour que tous soient sauvés ne nous est pas si étrangère que cela. Une histoire dramatique qui fait écho à notre situation nous le rappelle. Notre monde n’en est pas à sa première épidémie. En 2003, il était frappé par la première contagion de coronavirus du XXIème siècle. Elle est là aussi partie de Chine et a provoqué une réaction en chaine. 30 pays ont été touchés.
Le SRAS est entré au Vietnam par un seul porteur, l’homme d’affaire américain Johny Chen. A l’époque la maladie n’a pas encore été identifiée. Et alors que cet homme était hospitalisé à Hanoï, l’équipe médicale prend la décision de faire appel à l’OMS. C’est le docteur Urbani qui se déplace.
Assez vite, ce docteur se rend compte qu’il n’a pas affaire à une simple grippe, mais à une maladie terriblement contagieuse. Il prend alors une décision déterminante, et convainc le personnel de rester en quarantaine pour contenir la contagion. Au total "seulement" 63 personnes seront contaminées et 5 décèderont. Toutes les personnes décédées travaillaient dans cet hôpital. Le docteur Urbani s'impliquera personnellement et fera partie des victimes. Mais grâce à sa clairvoyance, le Vietnam sera le premier pays à maitriser l’épidémie.
Alors que la maladie était entrée au Vietnam par un seul homme, elle a pu être éradiquée par la décision d'un seul. C’est parce qu'un homme a accepté le principe du sacrifice pour les autres, que de nombreuses vies ont pu être sauvées !
Dans les cas les plus dramatiques, la substitution est souvent le seul moyen efficace, pour que la vie soit préservée.Que retenir de cela ?
Notre péché nous colle à la peau, nous désespère, nous décourage. Parfois c’est le péché des autres qui nous a profondément blessés, meurtris. Nous nous rendons bien compte qu’aucune méthode, aucune solution humaine ne peut vraiment nous aider. Gloire soit rendue à Dieu. Il a agi en notre faveur. Nous pouvons arriver à la même conclusion que Paul : il n’est pas fou celui qui croit que, face aux terribles conséquences du péché, la seule solution efficace, c'est que Dieu prenne notre place pour nous en délivrer.
Après avoir vanté les formidables promesses associées au salut en Jésus-Christ au chapitre 5, Paul veut tordre le cou à une "fake news" au sujet de l’Evangile ! C’est le sujet du début du chapitre 6. Puisque c’est par la grâce que nous sommes sauvés, puisque ce n’est pas en essayant de nous conformer à une discipline puritaine, n’est-ce pas là un encouragement à reléguer au second plan la lutte contre le péché dans notre vie ? Le don gratuit du salut en Jésus-Christ ne résonne-t-il pas comme un chèque en blanc pour le péché ?
C’était la crainte des détracteurs de Paul. Et en observant les milieux évangéliques en France au XXIème siècle, on pourrait se dire que cette crainte n’est pas sans fondement ! L’idée de voir dans l’Evangile un salut bon marché, où il suffit de s’excuser pour ne pas avoir à subir les conséquences de nos fautes est séduisante. Elle peut nous amener à une certaine nonchalance morale.
Ou alors parfois c’est notre vision d’un Dieu d’amour qui se transforme peu à peu en un Dieu qui tolère nos travers à nous : « Dieu a-t-il vraiment dit, qu’il haïssait la répudiation (Malachie 2.16), le compromis (Apocalypse 2.6), le mensonge (Psaumes 119.28), l’orgueil (Proverbes 8.13) ? »
Est-ce que « trop » prêcher la grâce pourrait être trompeur pour le peuple de Dieu ? Ne faudrait-il pas revenir à une dose de christianisme plus rigoureuse avec un peu plus de « il faut » et « il ne faut pas » ?
A la suite de l’apôtre Paul, j’aurais envie de dire : certainement pas ! Pas que la lutte contre le péché ne soit pas centrale. Les mots de Romains 6 sont extrêmement forts : mort pour le péché (2), afin que le péché soit réduit à l’impuissance (6), c’est pour le péché que Christ est mort (10), considérons-nous comme mort au péché (11). C'est parce que la lutte contre le péché est centrale, qu'il n’y a pas de message plus puissant que l’Evangile pour nous en délivrer.
Le problème de nos trop grandes largesses vis-à-vis du péché ne vient pas du remède, mais du diagnostic ! Nous sommes souvent trop complaisants vis-à-vis de tout ce qui met une barrière entre Dieu et nous. Nous faisons de l’Evangile une philosophie qui devrait nous aider à mieux vivre, plutôt qu’à vaincre notre ennemi le plus viscéral. Oui le constat de la Bible sur nos petits compromis, nos petites manigances est sans appel pour celui qui l’écoute attentivement ! C’est seulement alors que l’Evangile parait pour ce qu’il est vraiment : la Bonne Nouvelle dont nos cœurs ont terriblement besoin. C’est quand je comprends vraiment le tourment dans lequel m’entraine mon ancienne nature (6), que je peux me saisir pleinement de cette nouvelle identité que Dieu veut me donner en Jésus-Christ. Contrairement à ce que les détracteurs de Paul pensaient, la grâce n’est pas un passeport pour le péché, mais bien la puissance dont nous avons tellement besoin pour enfin obéir pleinement à Dieu !
A certains moments de leur vie, certains chrétiens se mettent à douter. Ma conversion était-elle authentique ? Est-ce que réellement l’Esprit de Dieu habite en moi ? Romains 6 nous donne un critère qui va nous aider à rejeter ces doutes : quel est l’effet de la grâce de Dieu dans ma vie ? Nous amène-t-elle à sous-estimer l’impact du péché ou au contraire à découvrir de plus en plus de quelle manière il nous fait la guerre à l’âme ? Soyons assurés, que seul un cœur régénéré par le Saint Esprit peut voir dans la grâce de Dieu non une opportunité pour faire ce qu’il a envie de faire, mais un appel solennel à accomplir la volonté de Dieu !
On ne sait pas trop si on doit être encouragé ou désespéré par la description que Paul fait de la lutte intérieure humaine qui nous est décrite à la fin du chapitre 7 (Romains 7.14-24). Ce sentiment si commun de savoir ce qu’il faudrait faire, mais de se montrer incapable de le faire !
D’un côté, c’est rassurant ! Bien souvent nous avons été confrontés à ce problème. Savoir ce qui était bien, et ne pas l’avoir fait : ne pas réussir à nous taire quand nous savons que nos paroles seront de trop ; ne pas éviter cette perte de temps qui nous a éloignés de l’essentiel ; avoir écouté nos désirs qui ont privilégié quelques plaisirs éphémères à l’amour véritable de nous-mêmes, des autres et de notre Seigneur ! Nous avons facilité à nous identifier à ce passage ! Et cela nous console de nous dire que nous ne sommes pas les seuls, que même le grand apôtre Paul ressentait ce dilemme entre ce que je sais et ce que je fais. Y’a-t-il un peu de place dans la Bible pour « faites ce que je dis et pas que ce que je fais » ?
Mais d’un autre côté, ce passage est décourageant ! Car si finalement l’Evangile ne nous délivre pas de cet état de fait, est-il vraiment aussi puissant qu’il le prétend ! Ne nous promet-il pas à son tour plus qu’il ne peut donner ? Et on se demande bien où sont passées toutes les promesses et les victoires que Paul a énumérés jusque-là ! Certains se demandent même, à cause du verset 14 (« vendu au péché »), si Paul ne décrit pas plutôt ici une situation antérieure à la conversion. D’ailleurs nous ne voyons nulle part Paul dans le Nouveau Testament, se laisser aller à ce « faites ce que je dis et pas que ce que je fais. » Au contraire, bien souvent il n’hésite pas à donner sa vie en exemple, comme dans ce verset : « Ce que vous avez appris, reçu et entendu de moi, et ce que vous avez vu en moi, pratiquez-le. » (Philippiens 4:9).
Alors quel est le but poursuivi par Paul ici ?
Je crois que nous pouvons être reconnaissant de ce passage qui décrit assez précisément la réalité des luttes notre cœur ! Mais ce passage n’est pas écrit pour nous laisser aller à quelques réconforts doucereux, du style « ah c’est bon, on peut être chrétien et avoir tel ou tel défaut ! » ou encore « moi je suis comme cela, et je n’y peux rien ! » Nous avons tant de fois échoué dans nos résolutions à vouloir changer, que nous sommes bien souvent tentés de capituler « oui bien sûr je crois en Dieu, mais je crois que dans ce domaine de ma vie l’Evangile ne peut rien pour moi ! »
Ce passage ne nous invite pas au statut quo, mais à déceler le problème. Nous avons ici la description de l’homme livré à lui-même, qui devant la volonté de Dieu se reconnaît incapable de la mettre en pratique. Mais c’est là où l’Evangile ne se présente pas comme une religion. Il ne nous décrit pas uniquement ce que nous devrions faire, mais il nous donne aussi les moyens de le faire. Oui, l’Evangile veut nous délivrer de ce terrible constat ! « Ne pas faire le bien que l’on sait devoir faire » n’est pas une fatalité. La particularité de l’Evangile c’est qu’il ne nous invite pas à faire tous nos efforts pour changer, mais il nous exhorte à devenir progressivement ce que nous sommes déjà aux yeux de Dieu. C’est ce qu’on appelle la sanctification.
Elle nous invite à trouver notre satisfaction dans la volonté de Dieu, et à nous émerveiller de ses bons conseils. Que sa volonté devienne la nôtre. C’est en passant du temps avec Dieu, dans la joie de sa présence, que nous apprendrons à découvrir combien sa Loi est bonne pour nous ! C’est ainsi que progressivement, nous ne vivrons plus dans la lutte d’un homme livré à lui-même, mais dans la paix d’un homme qui avance dans la dépendance de Dieu !
En Romains 8, nous atteignons un des sommets de l’épître.
Après le désespoir de la fin du chapitre 7 « ne pas réussir à faire, ce que nous savons être bien » vient le dénouement : « malgré cela, plus de condamnation pour celui qui est uni à Jésus-Christ » (1). Ce verset résonne comme un ouf de soulagement. Il est aussi le signal que Paul reprend son grand développement sur la manière dont Dieu nous libère. Il avait interrompu d’une certaine manière aux chapitres 6 et 7 pour répondre aux objections vis-à-vis du salut par grâce.
En écrivant, qu’il n’y a pas de condamnation pour celui qui a placé sa foi en Jésus-Christ, Paul réitère cette affirmation centrale de l’Evangile : « Ce n’est pas en répondant aux exigences de Dieu que nous pouvons êtes sauvés, mais c’est en étant sauvé que pourrons répondre aux exigences de Dieu ». En effet, par le pardon de nos péchés, nous sommes déclarés justes devant Dieu. Il n’y a donc plus rien qui empêche Dieu de venir faire sa vie en nous. Nous bénéficions de l’action de l’Esprit dans notre vie. Nous sommes conduits par l’Esprit (6), nous nous affectionnons de ce qu'aime l'Esprit (5). Franchement si l’Esprit de Dieu vit en moi, n’ai-je pas reçu tout l’équipement nécessaire pour obéir à la Loi de Dieu ? Voilà pourquoi la grâce est la puissance de l’obéissance !
A partir du verset 18, la démonstration prend une tournure légèrement différente. Avec le début de l’épître nous comprenons la profondeur du fossé qui nous sépare de Dieu, les raisons de sa colère à notre encontre. La grâce nous assure que la dette a été payée.
Mais il y a une autre facette à ne pas négliger ! Nous aussi nous avons quelques griefs à reprocher à Dieu, n’est-ce pas ? La souffrance, les épreuves, les catastrophes naturelles, les déceptions… autant de situations où nous nous serions attendus à ce que Dieu agisse autrement. Ces questions sont en filigrane de toute la fin du chapitre. Pour Paul, la compréhension du salut nous donne un regard neuf sur les circonstances de notre vie sur terre.
Ce passage nous aide à comprendre qu’à cause de la révolte originelle de l’homme en Adam, non seulement la relation de l’homme avec Dieu a été abimée, mais plus encore, c’est l’ensemble de la création qui en subit les conséquences (20). Nous comprenons notamment que les catastrophes naturelles sont les conséquences de cet état de révolte. Nous comprenons plus généralement que vivant dans un monde en révolte contre Dieu, il va forcément nous confronter à la frustration, à la souffrance.
C’est une approche de la vie différente de ce que nos sociétés modernes voudraient bien nous faire croire. Nous avons souvent l’impression, que la normalité c’est que « tout aille bien » et nous nous affolons quand « les choses déraillent ». Si le point de départ, c’est que nous sommes en révolte contre Dieu, est-ce que cela ne devrait pas être le contraire ? Le chaos et la difficulté, la norme ; la paix et le bonheur, une grâce ?
Quel privilège alors d’appartenir à Jésus-Christ. Nous croyons que les souffrances du temps présent ne sont en rien en comparaison à la gloire qui nous attend (18) ! Nous avons l’assurance d’être aimés Dieu (38), et nous nous attendons avec impatience notre plein rétablissement. Et voilà finalement comment la venue du messie a accompli ce que les juifs attendaient de lui dans les Evangiles : un plein rétablissement du peuple de Dieu (ceux qui placent leur confiance en Dieu), sur une terre purifiée de ses ennemis (la souffrance, la douleur, la mort)
C’est dans ce contexte qu’il nous faut comprendre le fameux « tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu » (28) ; non pas un Dieu qui promet d’arranger les circonstances pour qu'elles me plaisent, mais un Dieu qui conduit les circonstances de ma vie pour que je sois prêt au jour de ce plein rétablissement, à me réjouir totalement de vivre l’éternité avec Lui !
Mais pour cela il me faut sans cesse apprendre à le connaître et donc à regarder les circonstances de nos vies telles que Lui les voit !
En Romains 9, on a l’impression que Paul change brusquement de sujet. Il semble comme faire une digression sur Israël qui va durer jusqu’à la fin du chapitre 11.
Pourtant, les chapitres 9 à 11 sont plus qu’une parenthèse. Ils sont tout à fait cohérents avec le reste de l’épître.
Il y a tout d’abord un lien direct avec ce qu’il vient de développer à la fin du chapitre 8. L’Évangile affirme la fidélité de Dieu pour ceux qu’Il a choisis. Nous qui avons placé notre confiance en Jésus, nous avons l’assurance que rien ne pourra nous arracher à l’amour de Christ (8.35).
En tant que juif, Paul devine la question suscitée par une telle affirmation : si rien ne peut séparer le peuple de Dieu de l’amour de son Dieu, comment se fait-il que le peuple d’Israël (le peuple que Dieu a choisi dans l’Ancien Testament) ait refusé dans sa grande majorité de croire en Jésus ? Est-ce que ce peuple est désormais séparé des promesses de Dieu à son égard ?
C’est tout le cœur de Paul pour ses compatriotes, que l’on sent battre au début du chapitre. Ce n'est pas le théologien qui s'exprime, mais le gagneur d'âmes. Ses paroles sont d’une extraordinaire intensité ! Ai-je les mêmes sentiments pour ceux de mon peuple qui sont privés de la grâce de Dieu ?
Pour répondre cette question sensible, Paul va développer un nouvel argument de sa confession de foi, qui trouve assez naturellement sa place dans l’ensemble de l’épître : comment l’Évangile accomplit-il les promesses de Dieu à l’égard d’Israël ? Autrement dit, dans l’optique missionnaire de la lettre, comment faut-il considérer le peuple juif dans l’annonce de l’Évangile ?
Et il intéressant de mettre en parallèle ces 3 chapitres de l’épître aux Romains, et la situation que Paul va trouver à Rome quelques années plus tard ! Elle nous a été décrite, rappelez-vous, dans le dernier chapitre du livre des Actes. On y voit Paul s’attrister à nouveau de l’endurcissement des communautés juives de Rome et annoncer que cet endurcissement accomplit le plan de Dieu à l’égard des non-juifs (Actes 28.26-28 // Romains 9.30-33)
Et nous voilà revenus à la grande question de la souveraineté de Dieu. La grande idée de ce passage c’est que Dieu est le maître de l’histoire. C’est Dieu qui choisit. Le fait que tous ceux qui appartiennent au peuple d’Israël ne soient pas automatiquement au bénéfice des promesses de Dieu n’est pas nouveau finalement ! Paul cite deux exemples de l’Ancien Testament pour le prouver.
Un seul des descendants d’Abraham, Isaac, a été au bénéfice de la promesse et de l’alliance avec Dieu. Et parmi, les descendants d’Isaac (7), là encore seul Jacob a été choisi par Dieu[1] (8). La descendance physique n’implique pas nécessairement l’appartenance au peuple de Dieu. C'est aussi une affirmation que l'on retrouve dans la bouche de Jésus (Jean 8.41-44).
On aimerait entendre dans ce texte que c’est notre choix qui fait la différence. Mais force est de constater que l’accent n’est pas sur notre choix, mais sur celui de Dieu. Dieu choisit à qui il fait grâce (16). Bien sûr, cette idée nous heurte et vient, dans notre conception humaine, en contradiction avec notre vision d’un Dieu juste (14). Généralement quand une idée nous heurte c’est que nous ne la regardons pas sous le bon angle. C’est normal qu’il y ait des choses qu’on ne comprenne pas chez Dieu, c’est même rassurant. Il n’est pas un Dieu à notre image.
Je vous propose donc quelques remarques pour tenter de voir les choses différemment :
1. La vie est faite de choix. Il y a bien des choix que nous ne percevons pas comme injustes. Nous nous réjouissons que notre conjoint nous ait choisis pour partager sa vie, que notre employeur nous ait choisis pour ce travail. Nous ne sommes pas en train de nous dire que c’est injuste pour les autres. Dieu est Dieu. En tant que créature, je ne peux pas tout comprendre, mais je peux me réjouir de ce qu’Il m’ait choisi. Je n’ai jamais rencontré un non-chrétien se lamenter de ne pas avoir été choisi par Dieu. Le choix de Dieu (l’élection divine) n’est pas un sujet de contestation, mais de reconnaissance (20).
2. Si l’on veut parler de la justice de Dieu, rappelons-nous plus tôt des 3 premiers chapitres de l'épître aux Romains ! Si nous voulons que Dieu soit « uniquement » juste, alors nous sommes tous condamnés. Si nous pouvons être justifiés, c’est parce que Dieu choisit de faire grâce. D’ailleurs, sa grâce n’est pas au détriment de la justice ! Il a payé le prix fort en mourant sur la croix.
3. L’autre alternative au fait que Dieu choisisse, c’est que ce soit nous qui choisissions ! Nous voilà revenus à une vision où nous sommes au centre ! Imaginez la catastrophe si Dieu nous laissait vivre toutes les conséquences de nos choix aussi bien individuels qu’à l’échelle humaine. Heureusement l’affirmation biblique c’est que Dieu est souverain sur nos vies et sur l’histoire.
Dieu n’est pas passif, Il choisit. C’est une Bonne Nouvelle. C’est parce qu’Il a choisi d’envoyer Jésus-Christ que nous pouvons être sauvés. Dieu choisit à qui il veut faire grâce. Mais ce que Dieu veut c’est que tous les hommes soient sauvés (I Timothée 2.4). Mystérieusement encore, l’élection divine n’est pas incompatible avec un salut accessible à tous (Jean 3.16) ! Voilà qui devrait renouveler notre coeur pour ceux qui se perdent !
Après Romains 9, qui insiste sur le fait que Dieu règne en souverain absolu et qu’Il choisit ceux à qui il fait grâce, les partisans de la responsabilité humaine peuvent poussent un ouf de soulagement.
A plusieurs reprises, dans de le chapitre 10 nous retrouvons plusieurs versets qui soulignent que le salut est pour tous : « car Christ est la fin de la loi pour la justification de tous ceux qui croient. » (4), « Quiconque croit en lui ne sera point confus. » (11), « Car quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé » (13).
Si la Bible insiste fortement sur la souveraineté de Dieu, elle insiste non moins fortement sur le fait que les individus doivent croire dans leur cœur et confesser l’Évangile de leur bouche (9) s’ils veulent être sauvés. Cet équilibre est central pour susciter en nous une juste vision de l’Evangélisation. Et si nous avons le cerveau en ébullition (et il y a de quoi !) en essayant de méditer le rôle de Dieu et le rôle des hommes dans le salut, la conclusion est par contre on ne peut plus limpide : « Il n’y a aucune différence, en effet, entre le Juif et le Grec, puisqu’ils ont tous un même Seigneur, qui est riche pour tous ceux qui l’invoquent ! » Nous sommes donc appelés à annoncer la Bonne Nouvelle à tous les peuples.
Une précision a peut-être attiré votre attention sur la manière dont il fallait croire.
Paul précise au verset 10 que « c’est en croyant du cœur qu’on parvient à la justice, et que c’est en confessant de la bouche qu’on parvient au salut ! »
Il ne faut pas voir dans cette description deux étapes successives, où il faudrait d'abord croire dans son cœur, puis ensuite à confesser par sa bouche (lors du baptême par exemple).
Justification et salut sont les 2 faces d’une même pièce dans la Bible. De la même manière, la foi dans le cœur et la confession de la bouche sont aussi les 2 faces d’une même pièce. La foi dans le cœur sans la confession de la bouche n’est pas crédible ; inversement la confession verbale qui n’est pas le résultat de la foi dans le cœur n’est d’aucune efficacité.
Prions pour que la lecture de l’épître aux Romains qui semblent assez ardue par moment développe en nous le zèle d’annoncer l’Evangile, en confessant aux autres ce que Dieu a fait pour nous !
Prions qu’à travers la situation de crise que notre pays traverse, Dieu ouvre les portes pour qu’un peuple plus nombreux croit en son message de salut.
C’est finalement le but que Paul recherchait en écrivant aux Romains : non pas théoriser sur l’élection divine ou la responsabilité humaine, mais susciter le zèle pour que la bonne nouvelle soit encore plus largement annoncée (14 et 15).
Quand on se lance dans une méditation suivie de l’épître aux Romains, on redoute le moment où il faudra expliquer le texte de Romains 11. Les interprétations de ce texte sont souvent difficiles et contradictoires. Commençons déjà par resituer ce texte dans la réflexion de Paul.
Paul écrit aux chrétiens de Rome, pour les encourager à collaborer avec lui, dans l’annonce de la Bonne Nouvelle jusqu’aux extrémités de la terre. Dans les chapitres 9 à 11, il s’intéresse en particulier à la centralité de l’Evangile au regard de ce que Dieu a voulu accomplir dans l’histoire de l’humanité.
Le chapitre 9 a permis de montrer que le rejet l’Evangile par les juifs, alors qu’ils étaient pourtant les premiers appelés, n’est pas une surprise. L’ancien testament l'avait annoncé par la bouche de ses prophètes. L’Evangile de Jésus-Christ est donc bien l’accomplissement des promesses de l’Ancien Testament.
Le chapitre 10 a exhorté les chrétiens de Rome à développer leur zèle pour annoncer l’Evangile. Le rejet par les Israélites ne doit pas être vu comme un frein, mais au contraire, comme un appel à ne faire aucune différence entre les hommes, qu’ils soient Juifs ou Grecs (10.12). L’annonce du salut par grâce doit donc bien être au centre de la mission de l’Eglise.
Le chapitre 11 me semble-t-il fait une transition entre la vision missionnaire et la vision pastorale de la lettre (cf. 1ère méditation). Cette compréhension, que juifs et non-juifs ont besoin de la même manière du salut par grâce, est aussi bien un moteur pour l’évangélisation, qu’un fondement profond de l’unité au sein d’une communauté multiculturelle (multiethnique ici).
A partir du chapitre 12, Paul va en effet exhorter les chrétiens de Rome à vivre de manière cohérente avec leur salut, notamment dans leur rapport mutuel (cf. chapitre 14), en évitant de se croire supérieur (plus mature) que les autres. En effet, les Juifs pouvaient avoir tendance à nourrir une certaine supériorité vis-à-vis des non-juifs parce qu’ils étaient issus du peuple de Dieu. Quant aux non-juifs, ils pouvaient eux nourrir un certain mépris vis-à-vis des juifs en s’offusquant que la plupart ait refusé le salut annoncé en Jésus-Christ.
Il me semble bien que c’est cet enjeu qui est derrière Romains 11. L'identifier nous aide à un peu mieux comprendre la pensée de Paul ici !
Pour ceux qui pouvaient nourrir quelque mépris, vis-à-vis des juifs, Paul commence par réfuter formellement l’idée que Dieu ait rejeté son peuple. Paul, lui-même est juif, et il a pourtant accepté l’Evangile. D’ailleurs tout au long de l’ancienne alliance, même quand la foi en Dieu semblait avoir totalement disparu d’Israël, Dieu s’est toujours réservé un reste. C’était le cas aux temps d’Elie, c’est le cas aux temps de Paul, c’est le cas encore aujourd’hui (v.1-6).
Certes, continue Paul, il est indéniable, que conformément aux Ecritures, la nation juive dans son ensemble a lamentablement échoué à recevoir le salut. Mais dans la souveraineté mystérieuse de Dieu, cet échec n’est pas sans espoir. Au contraire serait-on tenté de dire ! Elle a été l’occasion de faire connaître l’Evangile aux païens (11). Ce qui par ricochet rejaillit sur le peuple juif : voir les païens se tourner vers Dieu, incite au moins une partie des juifs à se convertir (14).
Mais plus que cela. Au lieu de se lamenter de l’échec des uns, et de s’irriter sur l’endurcissement des autres, Paul invite ses lecteurs à discerner le cercle vertueux qui s’opère ainsi : « Or, si leur chute a été la richesse du monde, et leur défaite la richesse des païens » et « si leur mise à l’écart a été la réconciliation du monde », alors « combien plus en sera-t-il ainsi de leur complet relèvement » et « que sera leur réintégration, sinon une vie d’entre les morts ? » (v. 12, 15).
Dans la providence de Dieu, le rejet d’une grande partie d’Israël a procuré beaucoup de grâce aux païens ; l’acceptation d’une grande partie d’Israël signifiera encore plus de grâce pour le monde. C’est comme si Paul envisageait un puissant mouvement de réveil futur parmi les juifs, qui s’accompagnera d’une propagation plus grande de l’Evangile. L’endurcissement des juifs a conduit à la conversion de nombreux païens et à former l’Eglise. La compréhension de l’Evangile par l’Eglise conduira à l’expansion de l’Evangile, et provoquera la conversion de nombreux juifs. C’est à cause de ce cercle vertueux me semble-t-il que Paul envisage ce mouvement de réveil parmi les juifs. Notre rôle ne consiste pas développer des stratégies pour le développer, mais à annoncer l’Evangile aussi bien aux juifs, qu’aux non-juifs. Dieu accomplira lui-même ce qu’Il a prévu de faire à travers cela.
C’est alors que Paul veut tirer une leçon de tout cela, avec la fameuse image de l’olivier. Si nous pouvons nous émerveiller que Dieu parvienne à accomplir son plan de bénédictions pour nous malgré l’endurcissement des hommes (33-36), ce n’est pas pour que nous en tirions gloire les uns vis-à-vis des autres (20). C’est notamment pour avoir nourri de telles pensées que le peuple juif s’est égaré. En tant que nouveau peuple de Dieu, cherchons plutôt à être des sujets de miséricorde les uns pour les autres (31), nous considérant chacun comme des mendiants de la grâce de Dieu ! La suite de l’épître nous donnera des pistes très concrètes pour y parvenir.
Romains 12 commence par ce fameux « je vous exhorte donc ». Si nous étions dans une prédication, nous pourrions repérer que la partie application de l’enseignement va commencer ! Les 11 premiers chapitres de l’épître ont permis d’affirmer la puissance de l’Evangile, Paul va maintenant développer de quelle manière nous sommes appelés à le mettre en pratique ! La prochaine fois que vous trouvez que la prédication met un peu de temps à arriver aux questions pratiques, pensez à Paul et à l’épître aux Romains.
La première surprise de ce passage, c’est que Paul situe le culte rendu à Dieu non pas le dimanche matin quand nous nous réunissons, mais tout au long de la semaine, dans l’entier de notre vie (1). Les versets 17 à 21 donnent une bonne idée de tous ces défis qui chaque jour se présentent à nous, et auxquels nous sommes appelés à répondre d’une manière différente, par la présence de Jésus-Christ en nous. Le salut ne se manifeste pas premièrement par de nouvelles coutumes religieuses, mais par une vie transformée.
La seconde chose à remarquer, c’est que nous sommes appelés à vivre une vie différente, qui ne se conforme pas au monde présent (2). Cependant l’omniprésence du rapport aux frères et sœurs en la foi tout au long du passage donne une indication. C’est tous ensemble que nous allons pouvoir résister aux séductions du monde. Je ne peux pas être une norme à moi tout seul.
Pour comprendre l’influence du monde sur ma vie, j’ai besoin du Saint-Esprit, de la Parole de Dieu, de la prière, mais aussi du conseil, et du ministère que Dieu a accordé à mes frères et sœurs dans l’Eglise. (4-8)
D’ailleurs la troisième chose qui ressort de ce passage, c’est que si la vie nouvelle en Jésus-Christ est une vie différente, transformée par l’Evangile, c’est aussi une vie sans prétention (3). Elle voit dans les autres des personnes à aimer (16), mais aussi des personnes qui peuvent les aider à grandir dans la foi. Dieu dans sa grâce, nous a donné des frères et sœurs qui sont en avance sur nous dans certains domaines. Il ne s’agit pas de chercher le modèle parfait, infaillible en tout. Il n’y a que Jésus qui pourrait répondre à de tels critères. Mais en regardant la vie de nos frères et sœurs nous pouvons voir à travers eux le petit pas que Dieu nous demande de faire pour progresser dans certains domaines de notre vie chrétienne.
Enfin dernier point que l'on peut soulever, c’est l’amour, le zèle et le service que nous sommes exhortés à développer les uns vis-à-vis des autres. Nous sommes appelés à exercer nos dons (4-8), à le faire avec ardeur (11), à être prévenant, attentionné pour les autres (10). Nous ne sommes plus guidés par l’accomplissement personnel, mais par le désir de trouver notre place pour le bien des autres.
En Romains 13, Paul aborde la question de la soumission aux autorités (1-7) et de l’amour du prochain (8-14), deux sujets apparemment indépendants l'un de l'autre. Le sont-ils tant que cela ?
Paul exhorte les chrétiens à se soumettre aux autorités, « car il n’y a point d’autorités qui viennent de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées par Dieu ! » (1). Ce passage nous fait souvent vivement réagir, notamment quand on pense aux injustices dont sont capables les dirigeants. Que faut-il comprendre à cette exhortation ?
Notons tout d’abord qu’au moment où Paul s’adresse aux chrétiens de Rome, c’est Néron qui est sur le trône. C’est un despote plutôt cruel. D'autre part, souvenons-nous que Paul a lui-même été arrêté injustement à plusieurs reprises, au moment où il écrit cette lettre. Pensez aux évènements précédemment vécus à Philippes et à Éphèse (Actes 16 et 19). Si quelqu’un savait que l’autorité pouvait servir d’autres intérêts que ceux de la justice, c’est bien Paul.
On peut aussi souligner que cette question de l’autorité ne se posait pas aux citoyens de Rome comme à nous. La culture romaine, ça n’était pas celle de la liberté individuelle ni du souci des plus faibles. Rome glorifiait son pouvoir et sa domination ! Et puis il y avait le culte de l’empereur ! Pour les chrétiens de Rome, rien que le fait d’appeler "Jésus son Seigneur" constituait un véritable affront au pouvoir de l’empire. Alors forcément quand Paul écrit au chapitre précédent de ne pas « se conformer au siècle présent » (12.2), il pourrait y avoir mauvaise interprétation ! C’est pourquoi Paul tient à expliciter le rapport du chrétien avec l’autorité établie. Reconnaître Jésus comme Seigneur, ne pas se laisser séduire par la splendeur de Rome n'implique pas d’entrer dans un combat contre le pouvoir établi.
En écrivant que « toutes les autorités ont été instituées par Dieu », c’est le principe bienfaisant de l’autorité que Paul veut souligner. Alors que nous sommes dans un monde « livré à lui-même », le fait qu’il soit conduit par une autorité est bénéfique pour nous ! Imaginez ce qui se passerait, si l’on enlevait les autorités de notre pays ! Imaginez l’impact sur l’accès aux soins, sur la justice, sur le maintien de l’ordre. Pensez aux situations d’anarchie que notre pays a pu vivre à certains moments de son histoire : n’est-ce pas alors la loi du plus fort qui sévit ? Et dans notre contexte, si nous avons pu organiser un confinement qui s’applique à tous, si nous pouvons tenter de lutter collectivement à l’échelle d’un pays contre une épidémie, n’est-ce pas parce que notre société s’organise autour d’une autorité ?
Ce mode de fonctionnement est un principe institué par Dieu. Il est une certaine expression de sa grâce pour notre monde. Et nos réflexions précédentes sur la souveraineté de Dieu nous ont amené à comprendre, que Dieu conduisît l’histoire de ce monde à travers les autorités bonnes ou mauvaises. C’est en ce sens que nous pouvons comprendre "que résister à l'autorité, c'est résister à l'ordre de Dieu !" (2)
Est-ce que cela signifie que nous devons toujours nous écraser et obéir sans réfléchir ?
Non, bien sûr ! Nous avons des exemples où Paul a fait valoir ses droits, alors que les autorités en place les avaient bafouées (Actes 16, Actes 22). Et si un pouvoir nous demandait de désobéir clairement à Dieu, nous savons que nous devrions nous y opposer.
Mais le respect des autorités devrait toujours être notre fil conducteur, car l’autorité est nécessaire pour le bien commun. Nous devons lutter contre l’injustice, mais pas contre l’autorité. Cela demande donc beaucoup de sagesse et de discernement pour les chrétiens, notamment dans un contexte où l’autorité commet l’injustice.
Mais reconnaissons que la plupart du temps, nos difficultés avec l’autorité sont ailleurs. Ce qu’elle nous demande de faire vient contraindre nos petites libertés individuelles. Ici c’est cette limitation de vitesse qui n’a aucun sens. Là, c’est cette mesure de confinement que nous jugeons incohérente. Nous sommes souvent si prompts à critiquer ! N’est-ce pas parce que nous sommes si souvent attachés à nos droits ?
Dans notre passage, Paul ne nous dit pas que nous devrions être toujours d’accord avec ceux qui nous dirigent, mais que nous devrions aimer le principe d’autorité. Il est nécessaire pour que les choses n’aillent pas plus mal qu’elles ne vont déjà.
D'ailleurs, notons que Paul décrit l’amour au verset 10 comme l’accomplissement de la Loi. Il parle bien sûr de la Loi de l'Ancien Testament. Mais cela souligne tout de même que pour aimer nous devons être soumis à un principe d’autorité qui nous dépasse. Sinon nous nous laisserions guider uniquement par nos appétits, nos sentiments. Amour et soumission ne sont finalement pas si éloignés que cela !
Alors, comment progresser ?
Si nous voyons un domaine où nos autorités sont critiquables, prions pour elles !
Reconnaissons que nos dirigeants sont confrontés à des responsabilités difficiles à assumer ! Prenons la résolution d’être des alliés pour qu’ils réussissent à accomplir leur mission !
Apprenons à aimer le principe d’autorité ! Car être soumis, c’est faire passer le bien commun avant ses propres privilèges. Nous aurons l'occasion d'y revenir demain.
Au début de Romains 14, c’est maintenant la gestion des désaccords qui est abordée ! Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, les tensions de l’Église de Rome sont liées à la cohabitation de 2 communautés : les juifs et les non-juifs ! Le respect des rites alimentaires et du sabbat dont parle l’Ancien Testament divisait profondément ces 2 cultures. Pour les anciens païens, manger du porc, par exemple, ou des fruits de mer, ne posait aucun problème. Par contre, c’était quelque chose d’abominable pour ceux qui avaient grandi dans le judaïsme. Et cela compliquait beaucoup les relations au quotidien, car les chrétiens du 1er siècle de notre ère avaient l’habitude, semble-t-il, de partager leur repas quotidiennement !
Paul va situer sa réponse sur 3 plans : celui du jugement, celui de la conviction et celui de l’amour.
Paul commence par rappeler que nous n’avons pas à nous juger les uns les autres, car c’est prendre la place de Dieu (4). Quand la Bible nous exhorte à ne pas juger, elle ne le fait pas d’une manière absolue. Car à bien des reprises, la Bible nous invite à juger dans le sens de discerner (Hébreux 5.14). C’est le rôle de l’Église. Nous avons la responsabilité collective d’aider chacun « à ne pas se conformer au monde présent » (12.2), d’avertir celui qui pèche délibérément (Matthieu 18.15-18, I Corinthiens 5.1-5).
Par contre, et c’est le sens ici, nous n’avons pas à juger dans le sens de condamner. Il y a beaucoup de choses en effet que nous ne sommes pas capables d’évaluer d’un point de vue humain ! Nous n’avons pas le même passé, pas le même contexte social, pas le même caractère. Il y a des choses que nous faisons naturellement, et d’autres qui sont un vrai combat pour nous !
C’est de cela qu’il est question ici ! Peut-on comparer la situation d’un ancien païen qui a été habitué à manger de tout, et celle d'un homme ou d’une femme née dans la religion juive et qui a entendu toute sa vie que Dieu avait en horreur la consommation de tels ou de tels aliments ? Pas facile de tirer ainsi un trait sur toute une partie de son histoire !
Mais ce qui est très intéressant dans ce débat, c'est que Paul n’est pas neutre. Il n’est pas un relativiste moderne en train d’affirmer que tout se vaut. Bien que juif, il a la connaissance que rien n’est impur en soi, qu’une chose est impure pour celui qui la croit impure (14). En théorie, il y aurait donc toute légitimité de manger n’importe quel aliment (20). Mais Paul est conscient qu’un autre principe entre en jeu : celui de la conscience et de la conviction (2). Pour Paul, ce serait une mauvaise chose, qu’un chrétien fasse quelque chose que ne condamne pas forcément Dieu, s’il n’a pas la conviction de le faire. Notre motivation doit être prise en compte !
Notons bien cependant que la conviction n’est pas non plus un critère absolu ! Je ne peux pas dire que je vais tromper mon conjoint parce que j’en ai la conviction. Je me heurte alors à la volonté morale de Dieu. Le critère de la conviction s’applique pour ce qui est moralement neutre ! C’est dans ce sens que Paul peut dire que tout ce qui n’est pas le produit d’une conviction est péché (23).
Enfin dernier critère à considérer, l’amour du prochain. Avoir la connaissance de ce que Dieu aime, de ce que Dieu veut, c’est une bonne chose. Mais avant de savoir ce que je vais, je dois encore prendre en compte l’impact de mon attitude et de mes décisions sur ceux qui m’entourent (15) ! Pour celui qui est à Christ, faire ce qu’il lui plaît n’est plus la norme, même quand c’est légitime !
L’amour du prochain prévaut sur mes droits, sur ma liberté individuelle. Je dois m’interroger de quelle manière, mon attitude va aider ceux qui m’entourent à grandir dans la foi, de quelle manière je vais être un sujet d’encouragement plutôt qu’une occasion de chuter.
Vous imaginez ce qui se passerait, si nous arrivions à mettre cela en pratique dans l’Église ? Ne pas faire passer ma préférence pour tel ou tel style musical, pour telle ou telle manière de célébrer le culte avant l’intérêt collectif. Cela ne signifie pas que je ne dois pas donner mon avis, ou contribuer à l’Église par mes goûts et mes qualités. Mais je dois toujours garder comme ligne de mire, de faire passer l’intérêt des autres avant le mien ! (Philippiens 2.4)
Le christianisme nous révèle le subtil équilibre, nécessaire à la réussite d’une communauté. Il purifie et réconcilie l'individualisme de nos sociétés occidentales et le poids communautaire des sociétés traditionnelles. Il affirme l’existence d’un bien et d’un mal et s’éloigne ainsi d’une position relativiste, forcément destructrice. Il affirme le nécessaire pris en compte d’une liberté de conscience : la décision collective n'est pas au détriment de ma personnalité et de mon histoire. Il présente l’amour comme le rouage indispensable pour vivre nos différences et progresser tous ensemble.
Nous sommes souvent déçus que l’Église terrestre ne reflète pas plus ce magnifique projet. Je crois que c’est le cas tout simplement, parce qu’à titre individuel, nous avons du mal à maintenir l’équilibre de ce triptyque.
Mais ne nous décourageons pas et persévérons ! Quand nous verrons notre Seigneur face à face, il nous fera la grâce de vivre parfaitement cette communion.
« Nous finissons ce matin notre parcours de l’épître aux Romains [i].
Romains 16, nous offre une longue liste de salutations qui semblerait de prime abord ne pas comporter un grand intérêt pour nous. Et pourtant, il nous dresse un tableau vivant de l’Église de Rome, complémentaire à toutes les grandes envolées théologiques, que nous avons pu lire jusqu’à présent. Essayons-nous à quelques remarques qui inspireront, j'espère, notre manière de voir l’Église.
Tout d’abord, pour une assemblée qu'il n’a pas implantée et où il n’a jamais mis les pieds, force est de constater que Paul connaît beaucoup de monde. Nous avons déjà là une indication du lien qui existait entre les premières Églises. Les gens circulaient beaucoup et se connaissaient les uns les autres. Leur vision du Royaume de Dieu n’était pas limitée à leur réalité locale. Ils vivaient des liens de solidarité entre Églises tout à fait inspirants. C'est bien sûr un encouragement pour nous à ne pas se "contenter" de nos préoccupations locales, et à nous intéresser par exemple à la réalité de notre union d'Église ou de la mission en général.
La seconde chose qui est marquante, c’est d’entendre Paul appeler chacun par son prénom. Il a noué des relations personnelles avec plusieurs d'entre eux. Il a vécu des moments de complicité remarquables, et ce bien souvent dans un contexte difficile (3, 7). Je trouve que ce chapitre prend une signification toute particulière dans notre contexte actuel. On a l’impression d’entendre Paul accueillir les chrétiens de Rome sur notre logiciel préféré de vidéoconférence et devant la mosaïque qui s’affiche à l'écran, il a pour chacun d’eux une attention, une parole toute particulière. Dans un monde, où on l’est souvent jugé sur nos compétences, sur nos réalisations, l’Église fait office d’exception. Dans l’Église tout le monde compte ! Redoublons de vigilance commune pour que chacun se sente pleinement aimé et accepté. L’Église est belle aux yeux de Dieu, car elle est composée de chacun d’entre nous !
La troisième chose qui ressort de cette liste de nom, c’est la diversité. Diversité ethnique ! Conformément aux enjeux de la lettre, nous y retrouvons des juifs et des gréco-romains. Diversité de genre ! Les commentateurs relèvent la proportion importante de prénoms de femmes dans cette liste. C’est d’ailleurs une femme, Phoebe, qui a été chargée de la mission importante d’apporter la lettre de Paul aux chrétiens de Rome ! Dans une société, patriarcale, où les femmes sont souvent réduites à un rôle de second plan, l’attitude de Paul tranche fortement. De quoi tordre le cou aux mauvais procès en misogynie dont Paul est parfois l’objet. Diversité sociologique enfin ! Les commentateurs nous apprennent qu’Hérodion et les gens de la maison d’Aristobule étaient très certainement des esclaves. Ils sont cités au côté des autres, les hommes libres, les citoyens romains, dont certains avaient des moyens financiers conséquents, pour pouvoir accueillir l’Église dans leur maison (comme Priscille et Aquilas). Nous avons là une démonstration de ce que Paul avait en vue, quand il affirme aux Galates "qu’en Christ, il n’y a plus ni juifs, ni non-juifs, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus ni homme ni femme" (Galates 3.28)
Dernière remarque, la manière dont chacun est mis en valeur. Ce qui est souligné, ce n’est pas le rang social, le caractère (généreux, affable), ni même la place dans l’Église (le pasteur, le moniteur d’école du dimanche), mais la manière dont ils ont su se mettre au service de l’Évangile. Ils ont saisi les occasions qui se présentaient à eux pour servir la cause de l’Évangile. Une belle manière d’affirmer que malgré les exhortations formulées tout au long de la lettre, Paul reconnaissait que ces frères et sœurs étaient pleinement engagés au service du même Évangile que Lui. Est-ce ainsi que je vois l’Église ? Non pas des hommes et des femmes avec qui j’ai plus ou moins d’affinités, mais des disciples, qui démontrent de bien des manières leur zèle à servir le Christ !
La longue liste s’arrête soudainement au verset 17. Paul a une grande affection pour tous ces chrétiens. Mais cette affection ne se transforme pas en idéalisme, en naïveté, ni même en nostalgie. Paul sait que l’Église n’est pas un club de bons sentiments, dans lequel se rencontrent des « gens bien ».
L’Église est au cœur même du combat qui se joue en coulisse de notre réalité terrestre. Dieu a vaincu le mal à la croix, et bientôt Il ne tardera pas à le révéler "en écrasant Satan sous nos pieds" (verset 20 à comparer avec Genèse 3.15). Pour l’heure, c’est le temps de l’Église. Elle témoigne de l’humanité réconciliée voulue par Dieu. Elle accomplit la volonté de Dieu, en annonçant le message de la Bonne Nouvelle aux nations.
La question n’est pas de savoir si Dieu triomphera, mais si nous prendrons part au combat (19).
Voilà le grand message que Paul voulait adresser aux Romains il y a 2'000 ans, et le moins qu’on puisse dire, c’est que ce message est toujours aussi pertinent pour nous aujourd’hui ! »